Métriques
Récitation chantée : introduction
Psalmodier (récitation chantée, cantilation personnelle, chanting) n’est pas chanter (singing). Tous les chants utilisent des mélodies, ils se rapprochent donc plus de la musique ; quant à la récitation chantée : pas toujours. Souvent le ton est quasi-monocorde (ekaśruti) avec de faibles variations de hauteur de notes. Ce type de technique est plus adapté au chant dévotionnel, à la litanie, à la psalmodie et peut conduire le mental à un état méditatif.
Le texte versifié utilise des mélodies reflétant des traditions régionales ou de lignée de professeurs. Ainsi les mélodies sont transmises suivant la tradition orale, à l’époque, au sein d’ashrams (āśrama-s) et ou durant le « gurukulam ». La mélodie d’un même chant, voire la recension, peut-être différente d’une région à l’autre de l’Inde, d’un ashram à l’autre. Par exemple la tradition suivie par śrī Krishnamacharya suit la recension (ou style) dite « drāviḍa pāthaḥ » (tamil, typique de la région du Kerala).
La mélodie est une combinaison d’éléments musicaux tels la hauteur de chant, les notes, la cadence, le rythme, la vitesse, les pauses entre les vers.
Tous les textes sanskrits ne sont pas écrits en vers. On parle alors de textes en prose. Tous les types d’expression orale sont appelés « ukti ». La composition poétique est appelée uktikāvya, « kavi » signifiant le sage-poète.
Kāvya est de deux types :
- Dṛśyakāvya, qui peut être vu telles les performances théâtrales
- Śravyakāvya, qui ne peut être qu’entendu ou chanté
Une partie de la beauté des poèmes (alaṅkāraśāstra – poésie ou Science de la Beauté) est issue figures de style jouant les suggestions induites (dhvaniḥ), les jeux de mots (śleṣa), la place des mots, le sens des mots, les sonorités des mots : par exemples, les métaphores (rūpaka), les comparaisons (upamā), les hyperboles (atiśayokti), les allitérations, les assonances, consonances, les rythmes. Ainsi souvent un poème, un hymne, etc. peut être compris à plusieurs niveaux.
Svādhyāya initialement signifiait le fait de répéter un texte, un chant dans le but de le mémoriser. Il a pris ensuite le sens d’étude de Soi.
Prosodie
La prosodie ou les métriques définissent le type de versification utilisé dans un texte, mais ne donnent aucune autre règle sur la manière de chanter ce texte. Ainsi d’un récitant à l’autre, le rendu mélodique sera différent.
Deux types de performances mélodiques sont connus en occident :
Le kirtan (kīrtanam), avec le sens de prière, célébration par le chant et la narration souvent accompagnés d’un instrument de musique (cymbale, sitar, tambour…). Le groupe répond souvent au chanteur principal.
Le bhajan, le chant dévotionnel.
Prose (gadya « ce qui est parlé ») est utilisé pour l’essentiel des veda-s (mantra-s sur la Paix—daśa śāntāḥ, etc.), les sūtra-s (perles de connaissance enfilées sur le fil du mental du récitant).
La science des mètres, la métrique ou la prosodie est l’ensemble des règles de construction des vers. Elle a pour unité de base le vers (chandas). C’est une des six branches auxiliaires des études védiques (vedāṅga). Chaque vers doit contenir un nombre donné de syllabes ou de mesures (mātrā-s).
Les sages-poètes du Ṛg Veda composèrent des hymnes en vers appelés sūktam. Les veda-s sont traditionnellement considérés comme n’ayant pas été composés de la main de l’homme : ils sont « apauruṣeya ». Les textes védiques sont classifiés comme « śruti » [ce qui est entendu], par opposition au kāvya, littérature composée par des poètes humains.
Chandas
Les chandas sont considérés comme étant les pieds des veda-s [chandaḥ pādau tu vedasya]. De la même manière qu’il est impossible de marcher correctement sans ses pieds, les veda-s ne peuvent pas être récités correctement sans la connaissance précise des chandas qui leur donne leur énergie et leur vie. Aussi Chandas désignent parfois directement les Veda-s.
Unité de base, la quantité syllabique : la syllabe légère (− laghu) ou lourde (⌣guru).
Syllabe légère (laghu akṣara) : se termine par une voyelle brève (a i u ṛ)
Syllabe lourde (guru akṣara) : toutes les autres (voyelles longues, consonnes, mais aussi les voyelles brèves suivi d’une consonne et anusvāra, visarga qui les rendent longues par la prosodie : « caṁ », « cat », « cā », « can[dra] », « caḥ » est guru)
La dernière voyelle d’un vers est soit longue soit courte suivant la métrique utilisée (« ca | » est guru ou laghu).
Métrique : anuṣṭubh
gururbrahmāgururviṣṇuḥ gururdevomaheśvaraḥ ।
pāda 1 [⌣− −] [− ⌣ −] [− −] pāda 2 [⌣− −] [− ⌣ −] [⌣−]
gurureva paraṁ brahma tasmai śrīgurave namaḥ ॥
pāda 3 [⌣ ⌣ −] [− ⌣ −] [− −] pāda 4 [− − −] [⌣ ⌣ −] [⌣−]
Structure d’une strophe (vṛtta, ṛc), d’une stance (stanza) en sanskrit
Une strophe (padya) ou une stance est un ensemble de vers constituant une unité et qui représentent une correspondance métrique avec d’autres ensembles de vers. La strophe porte un sens complet. Une strophe classique est composée quatre lignes[1]. Un vers composé de quatre pieds (pāda) est appelé catuṣpādī. C’est le cas de la majorité des vers à l’exception des mètres : gāyatrī (3×8) et uṣṇiḥ (2×8, 12). La ligne est aussi appelée pied (caraṇa). Il faut noter que le pied diffère du « pied » en poésie latine ou grecque (pied de trois syllabes, etc.).
En général,
deux demi-vers (hémistiches) forment un vers ou une strophe (padya) ;
un demi-vers ou hémistiche est constitué de deux pāda-s ;
un pāda est composé de syllabes (akṣara-s) : 5 à > 48.
Règles d’euphonie (sandhi) et pāda :
Premier demi-vers : caraṇa ou pāda 1 et 2. Le premier caraṇa subit les règles du sandhi, le second est terminé par un daṇḍa (|).
Second demi-vers : caraṇa ou pāda 3 et 4. Le troisième caraṇa subit les règles du sandhi, le quatrième est terminé par un double daṇḍa (॥).
Famille de vers
Deux types de prosodie, de vers :
vārṇika : syllabique
samavṛtta : les quatre pāda-s sont similaires avec le même nombre de syllabes et les mêmes arrangements légers/lourds
ardhasamavṛtta : deux paires de pāda-s alternés (deux paires et deux impaires).
viṣamavṛtta : tous les pāda-s sont différents.
mātrika : more (nombre de mesures mātrā-s)
Essentiellement viṣamavṛtta
Le nombre de métriques est important (>500). Cependant, les vers sont limités à sept durant la période védique (cf. Table 1). Les textes post védiques sont beaucoup plus riche en terme de métrique. La métrique anuṣṭhub est utilisée majoritairement dans de nombreux textes, comme la Haṭha Yoga Pradīpikā, le Mahābhārata et la Bhagavad Gīta, l’aṣṭāṅgahṛdaya, les stotra-s, les stuti-s, etc.).
[1] Notons que le vers et la stance ont un sens différent en poésie occidentale (voir annexe).
Tableau 1 Classes ou familles de mètres courants durant la période védique.
Famille de mètre
Vārṇika padya
Lignes
Pāda-s
Syllabes
akṣara-s
Pourcentage
triṣṭubh
4 11 11 11 11 43.8 %
gāyatrī
3 8 8 8
25.2 %
jagatī
4
12 12 12 12
13.6 %
anuṣṭubh
4
8 8 8 8
8.8 %
uṣṇiḥ
3
8 8 12
3.5 %
paṅktid
5
8 8 8 8 8
3.2 %
bṛhatī 4
8 8 12 8
1.9 %
Les groupes de syllabes : vārṇika gaṇa ou akṣara gaṇa
L’unité sonore est la succession de trois syllabes (système trika) : 8 (23) groupes sont donc possibles.
Il faut y ajouter avec les syllabes lourde (ga) et légère (la)[1] pour pouvoir décrire n’importe quelle métrique sanskrite.
myarastajabhnagair lāntair ebhir daśabhir akṣaraiḥ |
smastaṁ vāṅmayaṁ vyāptaṁ trailokyam iva viṣṇunā ॥
॥ vṛttaratnākara[2] KeDV 1.6 ॥
Comme viṣṇu est omniprésent dans les trois mondes, le vers est imprégné par ces 10 sons (akṣara), ma-gaṇa, ya-gaṇa, ra-gaṇa, sa-gaṇa, ta-gaṇa, ja-gaṇa, bha-gaṇa, na-gaṇa, ga (guru) et la (laghu).
Moyen mnémotechnique dans le système trika : yamātārājabhānasalagāḥ
Qualités de la récitation, du récitant
Il y a six catégories de personnes considérées comme « les moins aptes » à réciter les mantra et autres textes védiques. Brièvement :
gītī śīghrī śiraḥ-kampī tathā likhita-pāṭhakaḥ |
anarthajñaḥ alpakaṇṭhaśca śadete pāṭhakādhamaḥ ॥
śikṣa śāṣṭra
L’ācārya explique comme suit chacune des six non-qualités :
1. gītī : celui qui change le ton, qui l’arrange à sa façon, comme s’il s’agissait de rāga ! Le veda doit être récité avec les tonalités requises, et jamais autrement.
2. śīghrī : celui qui ne respecte pas le rythme de la récitation, par exemple qui se précipite à travers l’hymne[3]. Pour obtenir l’entier bénéfice d’un mantra (ou extrait) il faut respecter les durées (mātra) tout au long du chant.
3. śiraḥ-kampī : celui qui secoue la tête en chantant. Il faut un équilibre corporel pour réciter le veda. La vibration des nāḍī doit pouvoir s’exprimer correctement lors de l’intonation. On ne peut pas accepter d’autres vibrations, comme celles qui sont provoquées par le balancement de la tête.
likhita-pāṭhakaḥ : celui qui chante en lisant le texte. La récitation du veda se fait par cœur, sans document écrit (likhita).
anarthajñaḥ: celui qui chante sans connaître le sens de ce qu’il récite.
alpakaṇṭhaśca : et celui qui avec une voix faible.
Tous ceux qui appartiennent à ces catégories sont déclarés « récitants inférieurs » (pāṭhaka-adhamaḥ) parmi ceux qui récitent le veda.
[1] Piṅgala’s chandaśśāstra
[2] «Mine de métrique», ouvrage de combinatoire prosodique, dû à Kedāra_1 Bhaṭṭa (mathématicien du 8ième siècle)
[3] Vitesse de récitation
druta : rapide, indistinct
madhya : moyen
vilambita : lent
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